Loi Santé au Travail : 4 points à connaître absolument
Sur le front de la santé au travail, plusieurs signaux sont au rouge. L’absentéisme se fait grandissant, pas uniquement pour cause de Covid-19, mais du fait « d’arrêts maladie fortement impactés par la dégradation de la santé mentale », selon une étude de Malakoff Médéric. Le syndrome d’épuisement professionnel se développe, notamment chez les jeunes.
Avec la loi Santé au Travail du 2 août 2021, le législateur s’est notamment emparé de la question de la détresse psychologique en entreprise, dans un environnement bouleversé par des évolutions organisationnelles et technologiques fortes.
Cette loi, qui est entrée en vigueur le 31 mars 2022, vise à renforcer la prévention au sein des entreprises, à décloisonner la santé publique et la santé au travail, mais aussi à mieux définir l’offre de services délivrée par les services de prévention et de santé au travail aux entreprises et aux salariés, en même temps que de lutter contre la désinsertion professionnelle ou encore à réorganiser la gouvernance de la prévention et de la santé au travail.
Suivi de la santé des travailleurs
La loi prévoit que le suivi médical du salarié pourra être effectué par un « médecin praticien correspondant », médecin généraliste, qui travaille en collaboration avec le médecin du travail sur le suivi médical des salariés (au 1er janvier 2023).
Depuis le 31 mars, il est possible d’organiser des visites médicales à distance à condition que le salarié soit d’accord et que le dispositif utilisé respecte la confidentialité des échanges. Le recours à la télémédecine ne doit pas être automatique.
Afin de détecter le risque de désinsertion professionnelle, une nouvelle visite médicale est créée : la visite de mi-carrière. Elle intervient à l’âge de 45 ans à défaut d’accord de branche ou en même temps qu’une autre visite médicale (visite d’information et de prévention, visite de reprise ou visite périodique) organisée dans les 2 ans précédant le 45e anniversaire du salarié.
Lorsque l’arrêt de travail dépasse une durée de 30 jours, l’employeur propose au salarié qui le souhaite un rendez-vous de liaison pendant l’arrêt de travail, en présence du service de prévention et de santé au travail. Ce rendez-vous n’est pas une visite médicale, il a pour objectif d’informer le salarié qu’il peut bénéficier :
- d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle ;
- de l’examen de pré-reprise ;
- et des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail.
La visite de pré-reprise peut désormais s’appliquer pour les salariés en arrêt de travail de plus de 30 jours et le médecin du travail peut être à l’initiative de cette visite lorsque le retour du travailleur à son poste est anticipé.
Dans le cadre de cette visite, le médecin du travail peut proposer, en fonction de l’état de santé du salarié, des mesures d’aménagement de poste. La visite de reprise est obligatoire pour les salariés ayant eu un accident ou une maladie d’origine non professionnelle ayant entraîné un arrêt de travail de plus de 60 jours.
Les services de prévention et de santé au travail (SPST) doivent mettre en place une cellule dédiée à la prévention de la désinsertion professionnelle. L’objectif est de proposer des actions de prévention collectives et individuelles d’amélioration des conditions de travail et d’éviter l’inaptitude.
La Convention de Rééducation Professionnelle en Entreprise (CRPE), jusqu’ici réservée aux travailleurs handicapés, est ouverte aux salariés jugés inaptes ou à risque par un médecin du travail. Ils pourront désormais bénéficier de ce dispositif pour se former jusqu’à 18 mois à un autre métier au sein de leur entreprise ou d’une autre entreprise, tout en conservant leur contrat de travail et leur rémunération.
À noter : le suivi en santé au travail est étendu aux intérimaires, aux salariés des entreprises sous-traitantes ou prestataires comme aux travailleurs indépendants.
Renforcement de la prévention au travail
Dès le 1er avril 2022, les services de santé au travail (SST) deviennent les services de prévention et de santé au travail (SPST). Ses missions sont étendues : évaluation et prévention des risques professionnels, actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, campagnes de vaccination et de dépistage, conseils en matière de conditions de télétravail…
L’objectif du législateur est de favoriser des espaces d’échanges constructifs au sein des entreprises et d’outiller les organisations en ce sens.
À compter du 31 mars 2022, l’élaboration du document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp) ne relève plus de la compétence exclusive de l’employeur, il doit l’établir en associant les référents santé au travail, les services de prévention et de santé au travail et les membres du Comité social et économique (CSE). Par ailleurs, il doit être conservé pendant au moins 40 ans.
La loi du 2 août 2021 prévoit que les entreprises et leurs salariés bénéficient d’un ensemble commun de services de la part des services de prévention et de santé au travail sur l’ensemble du territoire.
Un décret publié au Journal officiel du 26 avril 2022 précise que chaque service de prévention et de santé au travail devra obligatoirement intégrer dans ses actions les missions suivantes :
- la prévention des risques professionnels, incluant notamment un conseil renforcé et l’accompagnement des entreprises dans l’élaboration de leur document unique d’évaluation des risques professionnels et la conduite d’action de prévention des risques pour la santé des travailleurs.
- le suivi individuel de l’état de santé de chaque salarié, tout au long de son activité, à travers la mise en place de l’ensemble des suivis et visites médicales prévues par la réglementation.
- la prévention de la désinsertion professionnelle, à travers la mise en place et l’animation d’une cellule opérationnelle pour accompagner les salariés présentant un risque de sortir de l’emploi en raison de leur état de santé.
La loi introduit la création du passeport de prévention. Toutes les formations suivies par le travailleur sur la santé et la sécurité devront figurer dans ce passeport (en vigueur au 1er octobre 2022).
Nouvelle définition du harcèlement sexuel dans le Code du travail
La définition du harcèlement sexuel dans le Code du travail est étendue :
- aux propos et comportements à connotation sexiste ;
- aux propos et comportements à connotation sexuelle ou sexiste venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
- à de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.
Contrairement au Code pénal, cette nouvelle définition ne retient pas d’élément intentionnel pour constituer le harcèlement sexuel. Le harcèlement sexuel au travail est constitué lorsqu’il est subi par le salarié et non pas lorsqu’il est imposé par l’auteur ou les auteurs.
Pour se mettre en conformité avec la loi, l’employeur devra mettre à jour son règlement intérieur qui doit comporter des dispositions actualisées sur le harcèlement moral/sexuel et les agissements sexistes.
Il est recommandé aux employeurs de mettre en place des actions de prévention relatives au harcèlement sexuel et au sexisme pour sensibiliser et former les salariés et de désigner des référents harcèlement sexuel et agissements sexistes soit parmi les élus du Comité social et économique (CSE), soit parmi les salariés.
Formation des élus du personnel
La loi Santé au Travail prévoit 5 jours minimum de formation santé, sécurité et conditions de travail pour les membres du CSE, en cas de renouvellement de leur mandat, ils bénéficieront de 3 jours supplémentaires de formation. Les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) bénéficient de 5 jours supplémentaires de formation. Le financement est pris en charge par l’employeur.
Les derniers textes d’application de la loi santé publiés fin 2022
Un décret du 30 décembre est venu approuver les modalités du passeport de prévention définies par le comité national de prévention et de santé au travail. Il devrait être opérationnel pour avril 2023.
Un autre décret publié le même jour est venu encadrer l’amplitude au sein de laquelle le montant des cotisations des services de prévention et de santé au travail interentreprises doit demeurer, sauf exception. L’entrée en vigueur est prévue en 2025.
À signaler également : un décret publié le 28 décembre 2022 qui est venu fixer les modalités de la formation obligatoire des infirmiers en santé-sécurité au travail à compter du 31 mars 2023.
Un autre texte publié mi-novembre est venu définir le cahier des charges relatif à l’agrément des services de prévention et de santé au travail. Il donne aussi des précisions sur les rapports d’activité des SPST, les informations transmises au CSE et à l’administration ainsi que sur les documents communiqués aux entreprises adhérentes des SPSTI.
Plusieurs décrets ou arrêtés sont encore à venir parmi lesquels :
- les modalités selon lesquelles, en cas de pluralité d’employeurs, le suivi de l’état de santé des travailleurs occupant des emplois identiques est mutualisé ;
- la définition des zones caractérisées par un nombre insuffisant ou une disponibilité insuffisante de médecins du travail pour répondre aux besoins du suivi médical des travailleurs.
L’Assistant Social du Travail
Face aux enjeux et aux défis que représente la loi Santé au Travail du 2 août 2021 (renforcer la prévention en entreprise, prévenir la désinsertion professionnelle, améliorer le suivi individuel et médical des salariés), l’Assistant Social du Travail est un soutien indispensable pour accompagner les salariés en difficulté et favoriser la conciliation de la vie personnelle et professionnelle. Son expertise sociale est également un atout pour une meilleure prise en compte de la loi par les entreprises.
Les missions de l’Assistant Social du Travail consistent à informer, conseiller, soutenir et orienter le salarié en difficulté notamment afin de le maintenir dans son emploi au sein de l’entreprise.
En amont, il peut intervenir pour lutter contre la désinsertion professionnelle en cas de demandes d’aménagement de poste ou suite à une visite de pré-reprise par exemple. Il peut notamment aider à monter un dossier de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, orienter vers un bilan de compétences ou conseiller l’employeur sur des aides de l’AGEFIPH à solliciter. En aval, il peut intervenir quand une décision d’inaptitude est rendue par le médecin du travail. Son rôle est alors de conseiller et de proposer un accompagnement personnalisé au salarié vers une nouvelle orientation professionnelle adaptée à son expérience, son âge et ses aspirations ou de l’informer sur ses droits aux diverses prestations sociales existantes.
Il travaille en collaboration avec les services RH, le médecin du travail et les membres de l’équipe médico-sociale notamment les psychologues du travail, les infirmiers et les ergonomes pour recueillir des informations sur l’environnement professionnel du salarié et ainsi adapter son accompagnement.
Il intervient également auprès des employeurs sur des questions de législation sociale quand des besoins apparaissent.
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Pour SocialDirect : Matthieu Guilbert, Consultant Formateur