Emploi des travailleurs handicapés : et si on s’inspirait de nos voisins européens ?
L’accompagnement des salariés reconnus handicapés est une question cruciale en France mais aussi dans l’ensemble des pays européens. En effet, d’après l’observatoire de l’emploi et du handicap de l’AGEFIPH (mai 2022), le taux d’activité des personnes en situation de handicap en Europe est inférieur à celui de la population générale : seules 51 % occupent un emploi, contre 75 % pour les personnes sans handicap. De plus, le taux de chômage des personnes en situation de handicap en âge de travailler est deux fois supérieur à celui des personnes qui n’ont pas de handicap.
Bien que l’Union européenne ait mis en place des directives visant à harmoniser les politiques en matière de handicap au sein de ses États membres, il existe encore des disparités significatives dans la manière dont les travailleurs handicapés sont soutenus au cours de leur vie professionnelle en France et chez nos voisins européens.
Cet article fait un état des lieux des dispositifs favorisant l’emploi des travailleurs handicapés chez nous mais également en Europe !
Cadre réglementaire en Europe
Le principe 17 du socle européen des droits sociaux souligne que « les personnes handicapées ont droit à une aide au revenu leur permettant de vivre dans la dignité, à des services leur permettant de participer au marché de l’emploi et à la société, ainsi qu’à un environnement de travail adapté à leurs besoins. »
Pour rappel il n’y a pas de définition commune à la question de l’insertion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail au niveau européen. Cependant, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées constitue le fondement des politiques européennes en matière de handicap.
La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées : adoptée en novembre 2006, elle prône l’inclusion du handicap et l’élimination de la discrimination envers les personnes en situation de handicap. Tous les États membres de l’Union européenne ont ratifié la Convention ! À partir de cette Convention, les États membres ont établi leurs propres critères et modalités de mise en œuvre dans chacune des législations nationales.
Le saviez-vous ? En France, les premières traces de l’attention portée par les gouvernants à l’égard de leur population fragile remontent au Moyen-Âge !
La stratégie européenne 2021 – 2030
En mars 2021, une nouvelle stratégie a été adoptée par l’Union européenne pour une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap sur le marché du travail. La stratégie européenne 2021-2030 fixe ainsi de nouveaux objectifs, articulés autour de 3 grands thèmes :
- Les droits dans l’UE : permettre aux personnes en situation de handicap de s’installer dans un autre pays et de participer à la vie politique. La carte européenne du handicap permettra de faciliter notamment la reconnaissance mutuelle du statut de personne handicapée entre Etats membres.
- L’autonomie : permettre aux personnes en situation de handicap de vivre de manière autonome et de choisir où elles veulent vivre et avec qui. Les services sociaux dédiés à leur autonomie et à leur inclusion seront améliorés.
- La non-discrimination et l’égalité des chances : protéger les personnes en situation de handicap contre toute forme de discrimination et de violence et assurer l’égalité des chances et l’accès à la justice, à l’éducation, à la culture, au sport, au tourisme, aux services de santé et à l’emploi.
La mise en place de quotas
L’approche majoritaire pour favoriser l’emploi des travailleurs handicapées au sein de l’Union européenne est la mise en place de quota et l’obligation d’emploi. L’objectif des quotas est de stimuler la demande de travail en engageant les employeurs à embaucher un certain nombre de personnes en situation de handicap.
En France, la loi du 11 février 2005 a renforcé l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés pour les entreprises, fixant un quota de 6% (5% à Mayotte) de leur effectif pour les entreprises de plus de 20 salariés. Ces entreprises ont également l’obligation de conclure des accords d’entreprise pour favoriser l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Pour les entreprises qui ne respecteraient pas cette mesure, l’employeur doit verser une contribution à l’Association pour la gestion des fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (agefiph). Avec ces contributions l’agefiph finance des aménagements pour les salariés en situation de handicap.
Deux tiers des pays européens ont adopté ce système de quotas. En Allemagne par exemple, le quota est de 5% pour les entreprises privée ou publique de plus de 20 salariés. En Grèce, les quotas sont différents suivant s’il s’agit d’une entreprise privée (8%) ou d’une entreprise publique (5%).
Par ailleurs, en Belgique ou en Finlande, la législation impose des quotas faibles, une application non formelle du principe de non-discrimination et maintien la mise en œuvre de mesures incitatives, telles que l’incitation à l’embauche des travailleurs handicapés ou l’aide au financement de l’aménagement des conditions et du poste de travail.
D’autres pays, comme le Danemark ou la Suède, ont choisis de ne pas utiliser de quotas. Leur politique est basée uniquement sur une logique d’incitation plutôt qu’une logique de sanction.
Accessibilité et aménagements du poste de travail
Un élément essentiel pour favoriser l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés est l’accessibilité et les aménagements des postes de travail. Certains états membre dont l’Autriche, la Lituanie, la Finlande ou encore la France proposent une participation financière ou un cofinancement aux côtés de l’entreprise à la réalisation des aménagements.
Concernant l’accompagnement à l’emploi, il existe un dispositif scandinave et anglo-saxon qui repose sur le modèle du « job coach » : le coach suit une personne en situation de handicap dans sa recherche d’emploi et tout le long de sa vie professionnelle. Lors d’un conflit, le job coach sert de médiateur entre le salarié handicapé et sa hiérarchie.
Bien que les transports au Portugal et en Espagne répondent bien mieux aux besoins professionnels des personnes à mobilité réduite que les transports français, la France a toutefois fait des progrès significatifs en matière d’accessibilité. Notamment avec la loi du 11/02/2005 pour l’égalité des chances dont le principe repose sur l’accessibilité de « tous à tout ». Cette loi impose ainsi d’améliorer l’accessibilité des transports en commun et propose également des subventions pour l’accessibilité des bâtiments afin de permettre aux personnes à mobilité réduite de circuler librement, de se repérer facilement et d’accéder aux équipements collectifs et aux locaux techniques sans gêne.
Soutien financier pour l’employeur
Les pays européens n’ont pas tous la même approche concernant le soutien financier.
Par exemple, en Espagne et en Italie il s’agit d’allègements des cotisations sociales. Les Pays-Bas offrent un système de compensation pour les employeurs qui emploient des personnes en situation de handicap, tandis que la Suède propose des subventions aux entreprises pour l’embauche et la formation des travailleurs handicapés. En Allemagne, il existe des fonds spéciaux pour les entreprises qui emploient des travailleurs handicapés. En Bulgarie, plusieurs programmes prévoient l’attribution d’une subvention salariale…
En France, les employeurs peuvent recevoir des subventions pour l’adaptation des postes de travail et des primes à l’embauche. De plus, le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), l’Agefiph pour les salariés du privé, fournissent un soutien financier aux employeurs qui adaptent les postes de travail et embauche des personnes en situation de handicap.
Retrouvez notre article sur les aides à destination des employeurs : https://socialdirect.fr/actualites/emploi-des-travailleurs-handicapes-aides-possibles/
Sensibilisation et formation : tous concernés !
Il est essentiel de former et d’accompagner les cadres en les sensibilisant, en les soutenant et en favorisant le partage des bonnes pratiques pour renforcer leur engagement et leur efficacité.
En France et en Europe, des campagnes de sensibilisation sont régulièrement menées, et des mesures de formation sont encouragées par la loi. Chaque année a lieu la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées dont l’objectif est de faire se rencontrer entreprises, politiques, associations, société civile et demandeurs d’emploi en situation de handicap.
Focus sur un dispositif européen efficace : le DuoDay
L’opération DuoDay consiste pour une entreprise, une collectivité ou une association, à accueillir une personne en situation de handicap, pour former un duo avec un professionnel volontaire.
Ce dispositif a des objectifs différents suivant l’acteur :
- Pour l’employeur, il permet de découvrir les qualités professionnelles de travailleurs en situation de handicap. Cela va valoriser son image et ouvrir à d’autres possibilités d’embauches.
- Pour les professionnels de l’insertion, de l’accompagnement ou de la formation, le DuoDay permet de faire un état des lieux des attentes et appréhensions dans le cadre d’embauches de personnes en situation de handicap.
- Pour la personne en situation de handicap, le DuoDay lui permet de suivre le quotidien d’un professionnel du secteur public ou privé. Il peut ainsi découvrir un métier, affiner son projet professionnel et créer des contacts.
Conclusion
De nombreux leviers existent et sont en place dans une grande majorité des pays de l’Union européenne : promouvoir l’emploi des personnes en situation de handicap, favoriser leur mobilité, développer les compétences, former et outiller les employeurs…
C’est aussi un travail qui s’articule en collaboration avec plusieurs acteurs : employeurs, partenaires sociaux (les assistants sociaux du travail), services pour l’emploi, pour la santé au travail, de la formation, associations, l’État, les collectivités territoriales et les fonds d’insertion.
La France a mis en place des mesures strictes pour favoriser l’inclusion des travailleurs handicapés, mais d’autres pays européens ont adopté des approches différentes dont nous pouvons nous inspirer. Il est donc essentiel de continuer à échanger sur les bonnes pratiques et à travailler vers une plus grande harmonisation des politiques d’inclusion des travailleurs handicapés à l’échelle européenne. L’objectif ultime est de garantir une égalité d’opportunités pour tous les travailleurs, quel que soit leur handicap, partout en Europe !
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