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L’Éco-anxiété et sa prise en charge en entreprise

A l’occasion de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail du 28 avril, l’OIT (Organisation Internationale du Travail) rappelle l’importance de mener des campagnes de prévention et de sensibilisation autour des accidents et des maladies professionnelles dans le monde. Cette année l’Organisation explorera le thème « les impacts du changement climatique sur la sécurité et la santé au travail ».

En entreprise, l’Éco-anxiété gagne du terrain

Le dernier rapport du GIEC est alarmant quant à l’avenir de la planète si des mesures drastiques ne sont pas prises rapidement. Il souligne notamment la détresse psychologique provoquée par cette incertitude sur notre avenir, considérée comme le mal du siècle. Les employés exposés aux risques environnementaux dans leur travail ou œuvrant dans des secteurs ayant un impact direct sur l’environnement peuvent être particulièrement vulnérables à l’éco-anxiété. Certains salariés se démotivent, remettent en question la pertinence de leur emploi et vont parfois jusqu’à la démission. Alors que l’éco-anxiété gagne du terrain au travail, comment accompagner les salariés de plus en plus exposés à ce stress ?

Une étude réalisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) démontre que « 70 % des salariés considèrent que le dérèglement climatique et plus généralement la dégradation de l’environnement peut affecter la santé des salariés. »

En mettant en lumière l’éco-anxiété et en proposant des stratégies pour y faire face, la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail peut contribuer à promouvoir le bien-être des travailleurs dans un contexte de durabilité environnementale.

L’Éco-anxiété : un nouveau risque psychosocial ?

Les risques psychosociaux (RPS) en milieu professionnel ont des conséquences graves, tant pour les employés que pour les entreprises. L’éco-anxiété peut contribuer à ces risques psychosociaux puisqu’elle impacte directement et de manière significative la santé mentale et sociale des personnes touchées.

Sentiment de tristesse, de culpabilité, de colère pouvant mener à un désinvestissement personnel et professionnel.

Perte de sens : « Quelle est ma place sur cette planète ? », « Quel monde je laisse à mes enfants ? », « Mes actes sont-ils les bons ou ont-ils des conséquences sur le climat ? » …

Sur la santé physique, l’anxiété peut provoquer des maux d’estomac, des insomnies, des troubles du comportement sur le lieu de travail…

L’éco-anxiété suscite chez certain un questionnement si profond qu’elle peut entraîner une perte de confiance en l’humanité et conduire au développement de véritables troubles pathologiques liés à ce stress.

Bon à savoir : L’Observatoire de l’Éco-anxiété définit l’éco-anxiété comme « un état psychologique de détresse mentale et émotionnelle qu’un individu peut ressentir en réponse à la menace du changement climatique et aux problèmes environnementaux mondiaux ». Environ 2,5 millions de Français souffriraient de ce malaise, touchant toutes les catégories d’âge.

Il convient donc d’inclure dans le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) la notion d’éco-anxiété ainsi que dans la politique de prévention des RPS.

Et la RSE dans tout ça ?

Les temps changent : de nombreux salariés ne se reconnaissent donc plus dans les valeurs environnementales de leur employeur. Les entreprises vont devoir concilier leur performance avec la maîtrise de leurs impacts négatifs.

C’est ici que la démarche RSE entre en jeu : son rôle est crucial puisqu’elle favorise le dialogue, la coopération et le respect entre les parties prenantes, créant un environnement où les individus se sentent valorisés, écoutés, compris. Il est nécessaire que la politique RSE aille au-delà de la conformité légale en intégrant des pratiques responsables dans la stratégie de l’entreprise et en favorisant l’émergence de solutions durables pour relever les défis sociaux et environnementaux.

Mais la mise en œuvre de la RSE nécessite un engagement réel, une transparence et une communication ouverte avec les salariés. Les écarts entre les valeurs proclamées par une entreprise et la véritable empreinte climatique qu’elle génère viennent renforcer l’éco-anxiété. Alors la RSE : oui, mais il convient de veiller à ce qu’il n’y ait aucune disparité entre les engagements déclarés et les actions effectives lorsque l’entreprise communique auprès des salariés.

⚠️ Et gare au greenwashing, les salariés ne sont pas dupes !

Concrètement, en entreprise, on fait quoi ?

Face à l’éco-anxiété, comment les entreprises peuvent-elles agir pour éviter notamment le conscious quitting ? 44% des collaborateurs souhaiteraient plus de formations et de sensibilisation aux enjeux et aux bonnes pratiques environnementales, quelles sont donc les actions à mettre en place ?

Bon à savoir : Le conscious quitting concerne les salariés qui choisissent de quitter leur entreprise en raison d’une divergence ou d’un changement de leurs valeurs par rapport à celles de leur employeur. Cette tendance a émergé dans le contexte de la pandémie de Covid-19.

Voici quelques actions concrètes que les entreprises peuvent entreprendre pour réduire leur empreinte environnementale tout en favorisant le bien-être des employés et en adressant les problèmes d’éco-anxiété :

– Réduction des voyages d’affaires en avion.

– Mobilité douce : privilégier le vélo électrique, le covoiturage, la marche à pied, afin de limiter les gaz à effet de serre.

– Mettre en place un plan de mobilité et d’autopartage au sein de l’entreprise : le salarié utilise une plateforme de réservation.

– Mise en place de cellules psychologiques.

– Adopter des gestes écologiques et les appliquer au quotidien : ne pas dépasser le 19°C en chauffage ou le 26°C en climatisation.

– Faire participer ses salariés à la fresque du climat : Suez et EDF sont les premiers à faire participer leurs milliers de collaborateurs à cet outil pédagogique de prise de conscience et d’aide à la création de solutions individuelles et collectives pour lutter contre le changement climatique. Un atelier dure 3h et peut faire office de team building.

– Installer des bornes de compostage, remplacer les dosettes par du vrai café à moudre, éteindre les appareils en veille.

– Proposer des formations : écoconduite, e-learning sur les enjeux climatiques.

– Créer une green team pour consolider la culture d’entreprise autour du respect de l’environnement et renforcer le sentiment d’utilité environnementale.

– Inciter les collaborateurs à se ressourcer dans un espace naturel et pourquoi pas proposer des réunions en marchant ou mieux en forêt. Les Japonais le pratiquent depuis les années 1980, ils appellent cela le Shinrin-Yoku ou bain de forêt !

– Lutter contre l’isolement : depuis la crise du Covid, nous avons pris l’habitude de virtualiser nos vies au travers des applications, le télétravail, la livraison de repas à domicile, des pratiques qui pour certaines personnes favorisent ce sentiment d’éco-anxiété. Comment faire ? Ritualiser des déjeuners extérieurs, programmer des pauses cafés, proposer des petits challenges mensuels. Cela favorisera en plus l’esprit d’équipe.

Comment SocialDirect accompagne un salarié souffrant d’Éco-anxiété ?

éco-anxiété

Eve Jouanny, assistante sociale en entreprise, est de plus en plus confrontée à ce phénomène dans ses entretiens. Elle nous raconte :

« En mars, j’ai reçu un salarié d’une entreprise cliente de SocialDirect.

Mr A. a pris RDV avec moi en visio sur la thématique santé. Dès les premiers instants, je remarque qu’il est tendu, fermé. Il m’indique qu’il ressent comme une boule d’angoisse qui l’empêche de plus en plus de travailler, une angoisse persistante…

Il me parle très vite de changement climatique, de détérioration de la planète. Mr A continue en m’indiquant qu’il dort mal, se réveille en pleine nuit et ressent des aigreurs d’estomac. Il a peur pour ses deux jeunes enfants, âgés de 14 et 9 ans. A mesure qu’il me décrit son angoisse, je sens des émotions de colère et de tristesse l’envahir. De la tristesse pour ses enfants et de la colère car il se sent responsable de la dégradation de la planète. A tel point qu’il n’arrive plus à se concentrer sur son poste de travail. Il en arrive même à oublier de faire certaines tâches et se sent dépassé, démuni. Il recherche auprès de moi des solutions.

En tant qu’assistante sociale, mon rôle est d’écouter son ressenti, de l’aider à mettre des mots sur son mal-être puis de réfléchir ensemble à un plan d’action pour limiter son éco-anxiété. Voici ce que nous avons convenu :

  • Prendre RDV avec son médecin traitant pour faire un bilan de santé et envisager un traitement doux pour atténuer ses angoisses.
  • Consulter le psychologue de son travail pour l’aider à améliorer son bien-être au travail et prévenir le risque d’épuisement professionnel.
  • L’encourager à s’investir dans une association de quartier et à s’engager dans des actions environnementales.
  • Ritualiser des moments en famille de collecte des déchets du type opération nettoyage du chemin qui mène à l’école.

A la fin de notre entretien, Mr A. m’a confié qu’il se sentait déjà un peu plus léger et il était rassuré d’avoir un plan d’action concret pour améliorer son bien-être.

De mon côté, lors du prochain point interdisciplinaire entre RH, médecin du travail et psychologue, je ferai part de ce phénomène de plus en plus présent dans mes entretiens, afin que collectivement nous envisagions des actions de prévention et pourquoi pas commencer par un webinaire sur la prévention de l’éco-anxiété. Nous sommes tous concernés.

C’est aussi pour cela que je fais ce métier. Au-delà des conseils pratiques et individuels que nous apportons, je travaille individuellement à la résolution des difficultés des personnes que je rencontre et collectivement au bien-être des salariés. Ces situations me permettent aussi de remettre en question ma pratique professionnelle, mes habitudes de vie et m’invitent à réfléchir à mes gestes du quotidien. C’est une réelle source d’inspiration ! »

« L’Éco-anxiété » ou plutôt l’éco-lucidité !

Comme l’exprimait le philosophe Thomas Hobbes, « L’homme est un loup pour l’homme »… Mais restons positifs, il existe de nombreuses actions pour renverser la tendance en entreprise et chez vous. Le concept d’éco-anxiété est d’ailleurs parfois contesté. Certains estiment qu’il reflète plutôt une prise de conscience lucide de l’avenir et constitue une étape indispensable pour passer à l’action !


Article écrit par Eve Jouanny, Responsable développement et animation du réseaux des assistants sociaux chez SocialDirect & Marion Godard, Responsable communication.

➜ Pour en savoir plus sur le service SocialDirect, c’est ici.

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